Coopérative « L'Imprimerie nouvelle » de Morlaix
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Coopérative « L'Imprimerie nouvelle » de Morlaix
La contemporaine, fondée en septembre 1975 par des salariés « Techniciens et ouvriers qualifiés », est une société coopérative ouvrière de production (SCOP), organisée en société anonyme à personnel et à capital variables. Aujourd’hui, les SCOP portent le nom de sociétés coopératives et participatives. Les activités de l'imprimerie débute à Nantes (au quai d'André Rhuys) mais en 1979 un second atelier ouvre ses portes au 9 rue Pierre Landais avant d'être réunifiés au 14 quai André Rguys. En 2003, après l’inauguration de nouveaux locaux à Sainte-Luce-sur-Loire, La contemporaine compte 23 salariés associés-sociétaires et environ sept cents clients. L'imprimerie fait également partie de la Confédération générale des SCOP. Elle dépose son bilan finalement le 4 mars 2015. Elle est rachetée le mois suivant par Dominique Goubault, le PDG de l’entreprise Goubault imprimeur située à La-Chapelle-sur-Erdre, par l’intermédiaire d’une société holding.
Association typographique lyonnaise (ATL)
Née en 1831 sous Louis-Philippe, l'expérience coopérative connaît un vrai renouveau dans les années 1860. A Lyon, de nombreuses associations ouvrières se fondent alors, regroupant les ébénistes, les chapeliers, les tailleurs de pierres ou encore les tullistes. Cette idée gagne peu à peu le milieu de l’imprimerie. Aussi, le 3 mars 1864, les délégués de la Typographie lyonnaise se réunissent et adoptent l’idée de l’exploitation collective d’une imprimerie. Quelques mois plus tard, ils décident que leur association sera exclusivement composée de typographes et des ouvriers travaillant effectivement dans l’atelier. De plus, ils signent une convention synallagmatique qui règle la question de la souscription.
Les typographes doivent ensuite réunir la somme nécessaire à l’acquisition d’une imprimerie et d’un brevet. A l’époque, et depuis la loi du 5 février 1810, il n’était pas possible de créer une imprimerie, Le nombre des imprimeurs, qui devaient posséder un brevet spécial, était rigoureusement réglementé dans chaque ville.
Le 30 avril 1866, les adhérents de l’association votent l’acquisition de l'imprimerie Pinier, située au 31, rue Tupin. M. Pinier cède son imprimerie et ses deux brevets pour la somme de 10 000 francs, et la prise de possession de l’atelier peut avoir lieu le 23 juillet 1866. Entre-temps, l’Association typographique lyonnaise a rédigé ses statuts, qui portent bien la marque de l’esprit coopératif : limitation de la rémunération du capital, importance de la prévoyance et de l’éducation. Sur ce dernier point, on peut noter que plus de 15 ans avant les lois Ferry, l’Association était réservée aux ouvriers « offrant des garanties de probité et de moralité et s’engageant à faire donner à leurs enfants l’instruction élémentaire ». Toutefois, sur le plan juridique, l'Association typographique est bien une société à responsabilité limitée puisque la loi sur les coopératives n’allait être votée qu’une année plus tard, en 1867.
Au point de vue commercial, les premières années de l’Association sont assez encourageantes. La clientèle de l’imprimerie Pinier s’adresse à elle, tandis que de nouveaux clients, essentiellement des sociétés, font appel à ses services. Cela oblige d’ailleurs l'Association à acheter une nouvelle presse.
Durant l’été 1869, ATL quitte l’atelier trop exigu de la rue Tupin pour s’installer au 12, rue de la Barre. Parallèlement à ce déménagement, l’assemblée générale vote l’acquisition d’un moteur à vapeur pour actionner les presses — jusque là tournées à bras — et ainsi augmenter la rapidité du tirage et le chiffre d’affaires.
À la même époque, l’Association typographique lyonnaise n’est pas épargnée par les difficultés, à cause des journaux qu’elle imprime. En effet, plusieurs d’entre eux, comme « Le Vengeur » et « L'Excommunié », sont poursuivis par le gouvernement impérial et leurs propriétaires condamnés, conjointement avec l’imprimeur, à de lourdes amendes. La chute de l’Empire pourrait donc être vue d’un bon œil par l’Association, si la liberté de l’imprimerie n’avait pas été décrétée dès les premiers jours de la Troisième République. Cette mesure a pour conséquence un accroissement de la concurrence et donc une certaine perte de chiffre d’affaires. De plus, sous l'Ordre moral, ATL souffre de la suppression de journaux qu’elle imprimait, comme la France Républicaine et le Lyon Républicain. Enfin, des marchés de la ville de Lyon, qu’elle possédait depuis longtemps, lui sont retirés. Par conséquent, l’Association connaît de 1873 à 1877 ses premiers bilans déficitaires et essuie une période très difficile. On peut signaler par ailleurs qu’en 1874, elle commence à imprimer le « Lyon Médical », qui deviendra son plus ancien client puisqu’elle en imprimera encore les pages à la fin du XXe siècle. A partir de 1878, L'Association typographique lyonnaise obtient à nouveau des marchés de la mairie centrale (notamment l’impression des procès-verbaux des séances du conseil municipal) et les affaires reprennent, malgré une nouvelle période difficile de 1886 à 1889.
En 1889, le moteur à vapeur est remplacé par un moteur à gaz, lequel sera à son tour remplacé par un moteur électrique en 1901.
En 1909, au cours de l’assemblée générale ordinaire, l’idée est lancée de transformée ATL en coopérative ouvrière, comme l’Imprimerie Nouvelle Lyonnaise. Cette proposition séduit la majorité de l’assemblée, mais après enquête, il se révèle que l’unanimité des actionnaires est nécessaire à un tel changement. Par conséquent, le projet est abandonné.
En août 1914, la guerre vient surprendre l’Association en pleine prospérité. Au trouble apporté par la mobilisation du directeur, du prote, et d’une partie du personnel s’ajoute un arrêt des affaires et une hausse du prix du papier et de toutes les marchandises. Après cette période difficile, l’année 1918 voit le travail devenir très abondant. Il semble donc nécessaire d’acheter des machines supplémentaires, mais l’atelier de la rue de la Barre est trop étroit pour les accueillir. Aussi, l’Association décide en 1919 d’acquérir une imprimerie située à Villeurbanne, pour permettre de décongestionner l'atelier principal. Y sont notamment exécutés les travaux commandés par la mairie de Villeurbanne.
Dans les années 1920, la bonne santé et la croissance d’ATL sont bien illustrées par les augmentations successives de capital social : de 1922 à 1926, celui-ci passe de 32 000 à 128 000 francs. En 1928, l’Association obtient un bénéfice net encore jamais atteint depuis sa création. Elle en fait d’ailleurs profiter ses ouvriers et employés en leur accordant une gratification exceptionnelle. De plus, une caisse de solidarité, destinée à venir en aide aux salariés en difficulté, est créée.
En 1930, l’idée de transformer l’Association typographique lyonnaise en société coopérative ouvrière de production (SCOP) refait surface. Or, la même année est votée une loi qui indique que pour un tel changement de statuts, l’unanimité des actionnaires n’est plus requise, l’approbation des deux tiers étant suffisante. Par conséquent, lors de l’assemblée générale extraordinaire du 4 octobre 1931, la modification est votée et ATL devient une SCOP. L’année précédente, elle avait déjà adhéré à la Confédération générale des SCOP.
En octobre 1933, l’Association acquiert un immeuble de deux étages situé au 85 bis, cours Tolstoï, à Villeurbanne. L’atelier y est installé tandis que le centre administratif demeure dans un premier temps rue de la Barre, à Lyon. Les années 1930 sont très prospères pour ATL, mais la guerre vient évidemment semer le trouble. Le ravitaillement, la réquisition pour le Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne, la moindre disponibilité des dirigeants, engagés dans la Résistance, ne viennent toutefois pas à bout de l’entreprise. La paix revenue, l’expansion reprend.
En 1959, l'Association typographique lyonnaise ne peut plus se développer dans ses locaux du 85 bis, cours Tolstoï, devenus trop petits. Aussi, l’acquisition de l'immeuble voisin,situé au 87 bis, est envisagée. Les démarches sont longues et finalement, les ouvriers peuvent enfin prendre possession des nouveaux locaux en septembre 1964. Au même moment est conclu avec l'imprimerie Ramboz un accord de spécialisation : ATL se concentre sur la typographie et Ramboz sur l’offset. Les réseaux commerciaux des deux entreprises sont mis en commun.
L’Imprimerie ATL poursuit son ascension dans les années 1970 et 1980, mais s’effondre au début des années 1990. Dès 1991, elle accuse un bilan déficitaire. Les raisons de cette déroute sont nombreuses. D’abord, ATL a perdu l’essentiel des marchés des villes de Lyon et Villeurbanne. Elle a également perdu une partie de sa clientèle privée, soit parce qu’elle a été touchée par la crise, soit parce qu’elle a été déçue par des travaux qui ne sont plus d’une qualité irréprochable. De plus, l’ Association n’a pas su s’adapter aux nouvelles technologies, et particulièrement à la publication assistée par ordinateur (PAO). Enfin, le départ de responsables a été très préjudiciable, tandis que le climat social est devenu très tendu dans l'atelier. Ces difficultés poussent logiquement la direction à entreprendre un premier licenciement collectif pour raisons économiques en 1994, puis un second en 1995. En quelques années, l’effectif passe de 40 à 28 salariés. En 1995, ATL est même placée en redressement judiciaire. Elle parvient à survivre encore quelques années, mais dépose définitivement le bilan durant l’été 1999. Avec 133 années d’existence, elle était la plus ancienne imprimerie de l’agglomération lyonnaise.
Union typographique de Villeneuve-Saint-Georges
L'Union typographique, imprimerie en société coopérative ouvrière de production (SCOP), fut fondée officiellement le 12 décembre 1906. Les statuts furent déposés ce jour devant notaire, avec, d'une part, la liste des fondateurs, et d'autre part, la liste des souscripteurs du capital social, comprenant 118 actions à 50 francs, soit 5870 francs. Le 16 décembre suivant, eut lieu l'assemblée générale constitutive.
En réalité, l'entreprise fonctionnait déjà depuis l'année en cours. Installée provisoirement au 72 de la rue de Paris à Villeneuve-Saint-Georges, elle ne tarda pas à trouver des locaux plus adaptés au 26 rue Hermand-Daix, devenue ensuite rue Jules-Guesde.
L'origine de la fondation de l'entreprise n'est pas précisée par ses fondateurs. D'après la revue Linotype notes and the Printing Machinery record, qui consacra un article à l'Union typographique en 1912, elle fut fondée »à la suite du mouvement provoqué pour l'obtention de la journée de neuf heures, par quelques ouvriers de l'imprimerie Crété [à Corbeil] ». Il s'agit, semble-t-il, du schéma classique de la fondation d'une société ouvrière de production : un conflit aigu patronat/ouvriers décide ces derniers à créer leur propre structure. L'un des membres fondateur était Henri Leduc, figure locale du socialisme, maire de Villeneuve-Saint-Georges de 1919 à 1935. Il fut administrateur-délégué de l'Union typographique de 1906 à 1938. Son esprit d'initiative et d'entreprise, sa position politique permirent à la société durant cette époque une ascension régulière. Mais pour autant, les bénéfices ne semblèrent pas à la hauteur des sommes investies, et c'est bien grâce à la ténacité de quelques irréductibles que l'imprimerie put se maintenir jusqu'en 1988, date de sa fermeture. Plus de 80 ans d'existence pour une SCOP relève d'un record, puisqu'en moyenne la longévité pour ce type d'entreprise dépasse rarement douze ans. La stagnation, puis le déclin commencèrent à la sortie du second conflit mondial : personnel et commande en baisse, l'Union typographique vivait sur son acquis d'avant-guerre. Comme ses concurrentes, elle dut affronter la complète mutation de cette industrie par le passage de l'offset au début des années 1970 : elle lui fut fatale, malgré les essais de transformation technique (achat de machine Heidelberg).
L'Union typographique eut des relations privilégiées avec le parti communiste puisqu'elle imprima nombre de titres des Éditions sociales, tracts, affiches électorales du PCF local. Sa clientèle était toutefois variée : locale naturellement, avec la commune de Villeneuve-Saint- Georges, des entreprises de la ville et alentours, mais aussi avec nombre d'éditeurs parisiens : Masson, Flammarion, Albert-Morancé. L'Union typographique imprima des journaux : l'Égalité, la lutte sociale de Seine-et-Oise, la renaissance de Seine-et-Oise. La qualité et la variété étaient de mise, depuis les travaux d'imprimés les plus ordinaires jusqu'aux réalisations soignées (éditions numérotées etc.).
La société coopérative ouvrière de production (SCOP) doit son origine et sa philosophie dans la tradition des utopistes du XIXe siècle, de Fourier à Proudhon, en passant par les pionniers comme Buchez. Les anciennes « associations ouvrières », antérieures à 1884, apparaissaient ainsi en porte-à-faux avec la théorie révolutionnaire marxiste s'appuyant sur le concept de la lutte des classes. Il s'agissait pour les premières coopératives de travailleurs de s'affranchir de la tutelle patronale en prenant en main l'outil de production, à l'intérieur de l'économie de marché, capitaliste. L'ouvrier, majeur, est capable de gérer sa propre destinée. Ce concept dépasse ainsi la dichotomie classique détenteur du capital/détenteur des outils de production. Mais le but sous-jacent restait socialisant pour certains coopérateurs : la libération du travailleur, par ce type de gestion propre de l'entreprise aboutira dans l'avenir à une nouvelle société fondée sur l'autonomie complète du travailleur, avec la disparition à terme du patronat ; en somme, une société économique auto-gérée. D'autre part, l'esprit coopératif intégrait dans ses finalités la formation professionnelle, les œuvres sociales des coopérateurs et l'esprit de solidarité.
Cette idéologie utopique trouve une synthèse dans le préambule du règlement intérieur de l'Union typographique :
Le but de la Société est de démontrer que la classe ouvrière, devenue majeure, peut prendre en mains la direction de la production ; elle permet, comme toutes les associations coopératives ouvrières, de parfaire l'instruction technique, industrielle et commerciale de ses adhérents et de préparer des cadres pour une nouvelle organisation du travail. Elle offre en outre l'avantage immédiat de supprimer le parasitisme patronal, les instruments de production étant la propriété collective des producteurs, et le produit intégral de leur travail leur étant acquis. Mais, obligée de vivre dans un milieu social qu'elle a pour mission de rénover, elle doit subir certaines dispositions et se plier à certaines obligations qu'elle condamne et qu'elle s'efforcera de supprimer dès qu'elle le pourra.
D'où la dialectique de départ qui prévaut dans le fonctionnement même de l'entreprise : faire tourner une entreprise soumise à la loi du marché, avec ses aléas et contraintes du genre, dans un microcosme où régneraient l'égalité et le partage total des dividendes ou, le cas échéant, des déboires commerciaux. Dès le départ, deux écoles de coopératives de production voient le jour : les coopératives de production qui entament le chemin de la neutralité idéologique en adhérant au système d'économie de marché : au fond, il s'agissait d'une adaptation du régime capitaliste par la participation active des travailleurs au sein de l'entreprise patronale. La seconde « famille » des coopérateurs fonctionna sur les bases d'une culture politique proche du mouvement ouvrier pour laquelle la mise en commun des moyens de production et la distribution égalitaires des bénéfices n'étaient qu'une étape vers une nouvelle société : c'est le cas pour l'Union typographique, comme on peut le constater à la lecture du préambule du règlement intérieur. Tous les membres étaient du reste membres du Parti communiste ou de la SFIO, adhérents ou sympathisants de la CGT.
L'Union typographique eut à connaître, comme tant de SCOP, des tiraillements structurels entre sociétaires, certains refusant les ponctions salariales, voire les baisses de revenus inhérents aux aléas économiques. Les linotypistes, notamment, se retranchèrent derrière les dispositions salariales issues du puissant syndicat CGT du livre pour conserver les avantages acquis. D'où une querelle de fond sur la définition même du coopérateur :
Ce qu'un certain nombre de camarades ne semble [sic] pas comprendre clairement, c'est qu'en devenant coopérateurs, ils perdent leurs qualité de salariés et ne peuvent logiquement se réclamer du tarif de salarié. Le tarif pour tous les coopérateurs est le tarif coopérateur. Chaque association étant autonome quant à son organisation intérieure. Le règlement des salaires comme tous les autres règlements est conforme à l'assentiment de la majorité de ses membres et tous sont tenus de s'y soumettre ou de démissionner.
Ainsi le coopérateur doit mettre au vestiaire sa mentalité de salarié lorsqu'il endosse l'habit de sociétaire. Habit de sociétaire que l'on revêt par un passage obligé en tant qu'auxiliaire. Cet état préalable, sorte d'adoubement préliminaire, fut utilisé par certaines coopératives pour maintenir davantage de salariés que de sociétaires dans l'entreprise : le système était dès lors faussé ! Là encore, le débat, au sein de l'Union typographique est houleux sur les rémunérations qu'il convient d'appliquer à ces auxiliaires. Passé un délai de trois ou mois, les auxiliaires pouvaient demander à être intégrés comme sociétaires.
La vie d'une SCOP, on l'aura compris, fonctionne en micro-démocratie : l'adage « la démocratie s'arrête à la porte de l'entreprise » ne s'applique pas à l'union coopérative. Grâce à la structure en société anonyme de l'Union typographique, on peut suivre méandres et contradictions structurelles de l'entreprise par la consultation des registres du conseil d'administration et ceux des assemblées générales.
Une imprimerie ouvrière : l'Union typographique
En 1988, Villeneuve-Saint-Georges perdait une entreprise originale dans sa structure : l'Union typographique. Installée rue Jules-Guesde depuis 1908, cette coopérative ouvrière fut victime des temps modernes. Les Archives départementales viennent de classer et d'inventorier les archives de cette société disparue.
La belle entreprise
En 1906, quelques typographes et imprimeurs décidèrent de s'associer sous une forme pleine de promesse : la coopérative ouvrière de production. Cette structure, issue des associations ouvrières héritées du XIXe siècle, consistait à mettre en commun à la fois le capital et l'outil de production. La lutte classique ouvriers/patrons était dépassée par une nouvelle idée, qu'exprime parfaitement le préambule du règlement intérieur de l'Union typographique :
Le but de la Société est de démontrer que la classe ouvrière, devenue majeure, peut prendre en mains la direction de la production ; elle permet, comme toutes les associations coopératives ouvrières, de parfaire l'instruction technique, industrielle et commerciale de ses adhérents (.). Elle offre en outre l'avantage immédiat de supprimer le parasitisme patronal, les instruments de production étant la propriété collective des producteurs, et le produit intégral de leur travail leur étant acquis. Mais, obligée de vivre dans un milieu social qu'elle a pour mission de rénover, elle doit subir certaines dispositions et se plier à certaines obligations qu'elle condamne et qu'elle s'efforcera de supprimer dès qu'elle le pourra.
Le ton était donné. La démocratie pénétrait enfin dans l'enceinte de l'entreprise. On parla de démocratie ouvrière en opposition à l'organisation classique capitaliste. Les coopérateurs de la première heure voulaient, par le développement de la structure coopérative, modifier les mentalités de l'économie de marché.
Au service du bien collectif
Le coopérateur, devenu sociétaire, devait dès lors faire passer l'intérêt de l'entreprise coopérative avec ses valeurs de solidarité, d'aide aux sociétaires les plus démunis, avant ses propres revendications matérielles. D'où, au cours de l'histoire de l'Union typographique, de multiples conflits, tensions que l'on peut suivre au jour le jour par la consultation des registres des conseils d'administration. Comme toute organisation démocratique, chacun pouvait s'exprimer librement, d'autant plus que les parts sociales étaient réparties égalitairement. Les salaires, au début de la création de l'entreprise, étaient les mêmes pour tous !
L'Union typographique se développa avec un réel dynamisme grâce à la personnalité de son directeur, Henri Leduc, maire SFIO de Villeneuve-Saint-Georges de 1919 à 1935. On y trouve aussi des coopérateurs comme Eugène Lallemand, personnalité attachante et fidèle défenseur de l'idéal coopérateur, rejetant tout esprit égoïste et corporatiste.
Mélange de pragmatisme et d'idéalisme pétri d'humanisme, l'aventure coopérative de l'Union typographique offre à l'observateur une expérience originale dont la longévité étonnante fut rendue possible grâce à la foi de quelques irréductibles.
Alain NAFILYAN
Syndicalisme et coopératives de production
Le syndicalisme ouvrier est la forme de lutte adapté au régime actuel, que les travailleurs, groupés dans chaque profession, mènent pour la défense de leurs intérêts particuliers immédiats, et pour but final la libération totale de la classe ouvrière. Dans cette lutte, c'est une question de force. Les syndicats profitant des circonstances qui leurs (sic) sont favorables, cherchent à faire augmenter les salaires de leurs membres ; sans se soucier de la justice relative des différents syndicats vis-à-vis les uns des autres.
En tant qu'employeurs, les coopératives doivent appliquer le tarif syndical ouvrier à leurs auxiliaires. Nous ne sommes pas les adversaires des syndicats, au contraire, nous avons le même but final, l'émancipation des travailleurs. Pendant la crise économique, pour ne pas avoir employé les moyens patronaux, non seulement envers nos sociétaires, mais aussi les auxiliaires. Pour ne pas en faire des chômeurs, nous leur avons payé, au-delà du raisonnable, un salaire supérieur au travail accompli. C'est pourquoi, aujourd'hui, pour ne pas sombrer, il nous faut faire, nous sociétaires, un sacrifice sur nos salaires.
Lorsque la classe ouvrière aura atteint son émancipation, lorsque le patronat aura disparu, qu'un régime socialiste aura remplacé le régime capitaliste ; la forme économique sera la coopération, portée à l'échelle nationale.
Le syndicalisme ne disparaîtra pas, mais évoluera dans sa forme et dans son but, et deviendra le syndicalisme coopératif. Il participera alors à la gestion de la production, à la protection des travailleurs et prendra des responsabilités. La forme de rémunération sera différente de celle d'aujourd'hui, car elle ne sera plus basée sur la force, mais sur plus de justice. Ce qu'aura à combattre le syndicalisme, ce ne sera plus le patronat disparu, mais les inconscients, les paresseux, les mauvais travailleurs qui chercheraient à être les exploiteurs de la solidarité confraternelle. Il devra faire en somme, ce que nous cherchons à faire dans nos coopératives actuelles.
Si demain, le régime socialiste était appliqué, il y aurait beaucoup de surprise chez pas mal de camarades, lorsqu'ils s'apercevraient qu'il demande plus de conscience et de discipline dans le travail que le régime capitaliste.
Dans le régime présent, si il existe une certaine solidarité entre les ouvriers les plus consciencieux et les autres, c'est parce que l'adversaire commun c'est le patronat. Dans le régime socialiste, les travailleurs non consciencieux deviendraient les ennemis de l'intérêt général.
Dans le régime actuel, les coopératives apparaissent comme une formation hybride en ce qu'elles s'apparentent aux salariés, par l'exécution manuelle du travail, et d'autre part, au patronat par la direction, par la responsabilité de la gestion d'entreprises. C'est en fait la forme embryonnaire de la société socialiste de demain. Les coopérateurs d'aujourd'hui sont émancipés économiquement, autant que le permet le régime dans lequel ils évoluent.
Nous nous régissons nous-mêmes en ce qui concerne notre régime intérieur. Nos règlements sont issus du régime démocratique (sic), le règlement des salaires comme les autres. Si nous prenons comme base le tarif syndical, nous ne l'appliquons pas d'une façon absolue ; mais de la façon qui nous paraît la plus juste, il pourrait d'ailleurs être tout autre qu'il n'est si la majorité en décidait ainsi. Nous avons des camarades payés au-dessus de leur tarif syndical, d'autres peuvent l'être au-dessous, l'ensemble donne au moins la moyenne du tarif syndical et généralement davantage. Actuellement, nous avons groupé les différentes catégories professionnelles, que nous avons jugées équivalentes ; c'est ainsi que les linos, les metteurs en pages et les conducteurs ont la même rémunération. Du fait qu'un syndicat des salariés d'une de ces catégories obtient une augmentation de salaires, cela ne modifie en rien la valeur professionnelle de nos camarades associés, leur rémunération ne doit donc pas en être modifiée les uns par rapport aux autres. Aujourd'hui ce sont nos camarades linos. Ce pourrait être aussi bien une autre catégorie de nos camarades.
Un camarade, sur un ton qu'il voudrait méprisant, nous traite de syndiqués de coopératives. Cela ne nous vexe pas. Oui ! Nous sommes des syndiqués coopérateurs, et savons à quoi cela engage. La probité la plus élémentaire, c'est le respect des contrats, des engagements librement consentis. Dès l'instant que l'on adhère à une coopérative de production, l'on s'engage à en respecter tous les règlements, toutes les décisions qui peuvent être prises par la majorité des associés, lorsque dans des explications loyales, où chacun a pu apporter son point de vue, et qu'un vote, en toute indépendance, a été émis.
Que quelques camarades se soient abstenus, volontairement, d'assister à ces réunions, en déclarant faire des réserves, cela ne change rien au résultat. Ces réserves sont sans valeurs, et les décisions prises sont valables pour tous.
Le mal dont souffre notre coopérative, et sans doute d'autres, c'est que des camarades y ont adhéré, non parce qu'ils étaient imbus de l'esprit, de l'idéal coopératif, mais simplement parce qu'ils ont considéré cela comme une bonne affaire. Stabilité de l'emploi avec tous les autres avantages que la coopération comporte. Ils veulent bien en jouir de tous les droits, mais ne voudraient pas en accepter tous les devoirs. Il ne suffit pas de dire : il y a tant d'années que je suis syndiqué, depuis 23 ans coopérateur. Pour être un véritable coopérateur, il faut faire non seulement une adhésion verbale, mais aussi de pensée.
Lorsqu’un camarade donne une adhésion sincère à une coopérative de production, il laisse sa mentalité de salarié à la porte.
Dans le but de créer une équivoque, des camarades sociétaires viennent opposer le salaire syndical, au règlement des salaires de notre association.
Il n'y a pas d'équivoque, cela ne représente qu'un paravent derrière lequel ils cherchent à abriter leur égoïsme. Il faut choisir : coopérateur ou salarié, c'est à dire syndiqué coopérateur ou syndiqué salarié, avec tous les avantages et les inconvénients que le choix comporte. C'est honnête, raisonnable et logique.
Je vous demande, camarade Leduc, d'appliquer la décision prise par l'unanimité des vingt-cinq présents à notre dernière assemblée. Si, par raison, il est parfois nécessaire de transiger, d'autres fois au contraire, par raison, il faut être intransigeant ; c'est le cas. Si vous n'appliquez pas la décision prise, ce sera le déchaînement des égoïsmes et la division parmi nous. Quelque soit l'opinion que peuvent avoir les représentants des salariés, cela ne nous oblige pas. Nous ne sommes pas des salariés.
Il faut savoir enfin une bonne fois pour toutes, en cela je suis d'accord avec les camarades qui ont fait appel au syndicat, si l'égoïsme, même doublé d'hypocrisie (ces derniers savent bien qu'ils ne sont pas des salariés, mais des associés) peut mettre en échec la démocratie ouvrière dans une coopérative de production.
Je vous autorise à faire part de cette communication dont je prends l'entière responsabilité, aux dirigeants du syndicat.
Quelques camarades et moi, si nous sommes prêts à faire tous les sacrifices nécessaires pour le redressement financier de notre maison, nous ne voulons pas que ce soit en vain. Nous sommes non moins décidés à combattre tous les égoïsmes et les mauvaises volontés, d'où qu'elles viennent. Si nos efforts s'avèrent inutiles, si la démocratie ouvrière est considérée comme une plaisanterie, nous nous réservons la possibilité de nous dégager de toute solidarité avec l'Union typographique.
Eugène. Lallemand [juillet 1947]